VERBIER, Far West ou impératif économique ?

11 avril 2016

La presse et certaines formations politiques se font des gorges chaudes de la situation qui prévaut actuellement sur la commune de Bagnes. Essayons de prendre un peu de recul sur les dites « affaires » en analysant les facteurs qui nous ont conduits à cette situation.

La presse et certaines formations politiques se font des gorges chaudes de la situation qui prévaut actuellement sur la commune de Bagnes. Essayons de prendre un peu de recul sur les dites « affaires » en analysant les facteurs qui nous ont conduits à cette situation.

Le premier est l’application de la lex Friedrich (1983), par la suite réformée en 1997 et devenue lex Koller. Dans les années 80, cette loi tendait à limiter l’achat de résidences secondaires par les étrangers en y imposant un contingent national d’au maximum 1500 unités par an, réparties sur les cantons. S’ajoutait à cette restriction, une limitation d’achat de surface de terrain à 1000 m2 et de construction à 200 m2 de planchers habitables par unité de contingent. C’est clairement cette limitation de la surface habitable qui nous pose problème. Bien évidemment cette loi ne s’applique pas aux Suisses et aux détenteurs d’un permis B de résident.

Remettons les choses dans leur contexte ; dans les années 80 la surface de 200 m2 habitables représentait le standard. Effectivement, nos stations étaient dans une logique de vente d’immeubles en PPE compris entre 60 et 200 m2, avec plus ou moins de réussite architecturale selon les cas… Cette limitation ne posait donc pas de véritable problème, jusqu’à ce que :

Dans les années 2000, certaines de nos stations, dont notamment Verbier, se sont vues passer dans la catégorie supérieure et atteindre le statut de station internationale. Dès ce moment, elles ne se trouvèrent plus en concurrence avec des stations familiales du coin, mais avec Megève, Courchevel ou encore Cortina… et il paraissait, dès lors, évident qu’il n’était plus possible d’offrir les mêmes prestations que nos voisins transalpins sur uniquement 200 m2 !

Un deuxième facteur, celui-ci cantonal, vient encore péjorer cette situation pour la vente aux étrangers. En effet, la loi cantonale sur les constructions intègre la surface des piscines dans la surface de plancher habitable. Admettez, que proposer à un richissime étranger de venir chez nous, plutôt que dans les alpes italiennes ou françaises, pour 200 m2 y compris la piscine, dont l’étage fait déjà 90 m2, est un peu chiche comme offre !

Le nœud ou le cœur du problème se trouve dès lors posé…

Dès cet instant, des solutions ont été élaborées, dont la plus répandue reste la domiciliation incluant l’octroi d’un permis B, afin de conserver cette riche clientèle, qui, je le rappelle, amène une plus-value indéniable à notre région. Région qui va bien au-delà de la commune de Bagnes, il s’agirait de ne pas l’oublier !

Alors, la fin justifie-t-elle les moyens ?

Pour ma part, clairement « oui » dans ce contexte bien précis. Le politique n’ayant pas vu que, depuis les années 80, les standards de construction avaient évolué, et que dès lors, il aurait été judicieux de renégocier ces 200 m2 dans le cadre du développement de nos stations de niveau international. Verbier n’étant loin sans faut la seule station concernée !

De plus, car nous pouvions traiter ce point aisément au niveau cantonal, corriger l’aberration de la loi cantonale sur les constructions qui inclut les piscines dans la surface de plancher habitable… Je souligne le mot plancher qui fait partie intégrante de la lex Koller.

Où y a-t-il un plancher habitable dans un local piscine ? Depuis quand vit-on, mange-t-on, dort-on dans sa piscine ou son sauna ?

Je m’interroge aussi sur le fait que personne ne s’est posé la question du pourquoi le Conseil d’Etat a homologué le plan directeur de la commune de Bagnes, qui lui, ne comprenait pas les piscines et espaces dits « Bien-Etre » dans la surface habitable ?

Ceci aurait-il échappé à nos juristes de l’Etat ? Que nenni, le Conseil d’Etat avait l’intention de modifier la loi cantonale en ce sens et, en anticipation, a homologué le plan de la commune de Bagnes en 2003 déjà.

Lui faudra-il près de 15 ans pour modifier cet article de loi au niveau cantonal ? On parle d’une modification possible pour 2017 ! La question est toujours ouverte et concerne près de la moitié des cas litigieux dénoncés dans le rapport d’expertise. Quel gâchis… Une simple décision étatique aurait déjà divisé par deux le problème des constructions illicites. Pour le solde, il s’agit de la problématique des 200 m2 habitables de la lex Koller, qui aurait dû aussi être traité au niveau politique depuis longtemps.

Je ne me prononcerai pas sur les rares cas frauduleux, qui eux sortent clairement du cadre du développement économique d’une station à vocation internationale, et qui devront être traités comme tels par les autorités compétentes.

Il me reste, dès lors, un goût amer sur tout ceci, car je reste persuadé que nos représentants politiques n’ont pas vu cet enjeu et de fait ont ainsi contribué à ce lynchage médiatique.

A mon sens, il va dans l’intérêt général de contribuer au développement de stations portant une aura internationale comme St-Moritz, Gstaad, Zermatt, Crans-Montana, Verbier… proposant des manifestations  reconnues au-delà de nos frontières ; l’Xtreme, le festival Academy, le concours hippique pour ne citer qu’elles.

Que ferions-nous sans l’atout de toutes ces stations dans l’organisation des futurs JO ? La réponse est évidente, RIEN… ce sont nos ambassadeurs et nous devrions en être fiers.

Alors Messieurs les politiques, ne marchons-nous pas sur la tête ? Qu’attendez-vous pour prendre des décisions ?

Des solutions pragmatiques existent, comme celle dite des gabarits où seul le volume hors terre et son impact sur le paysage sont pris en compte. Car en définitive, qu’importe si, en sous-sol, il y a une piscine, des caves, un garage, un home-cinéma ou que sais-je encore…

Nos concurrents directs italiens et français doivent bien rigoler et se frotter les mains, car à force de se saborder, la lex Weber venant en rajouter une couche, nous allons finir par véritablement sombrer…

Rédigé par Michel Cretton

3 commentaires

  • Posté par : Dominique Coppey Date : 24/04/2016 - 11:56

    Analyse précieuse et très utile qui nous aide à y voir clair.
    C'est vraiment ce que je pensais, mais bien sûr sans pouvoir le formuler,
    car, je l'avoue, c'est compliqué de trier tous ces faits.
    Mais ce dont j'étais sûre, c'est qu'en écoutant les gens et en lisant quelques médias, je me disais, mais qu'est-ce qu'ils racontent ? j'avais le sentiment que c'était encore un show de plus, mais triste, car sans la musique....
    Alors là, super, je me retrouve, merci Michel de nous donner tes mots, ainsi que l'envie d'avancer.

  • Posté par : JC Date : 22/04/2016 - 19:23

    Vous êtes déjà près de 1700 à avoir lu cet article en un peu moins de 10 jours !
    Alors à l'instar de Mme Corthay, que nous remercions, merci à votre tour de nous laisser un commentaire, votre avis nous intéresse.
    Que vous partagiez l'avis de notre Président ou non...

  • Posté par : Michèle Corthay Fellay Date : 18/04/2016 - 20:25

    Merci à Monsieur Cretton mais n aurait il
    pas été judicieux que cette analyse soit faite par un vaillant citoyen de Bagnes qui oublie quelques fois d ou vient le grain du pain qu il mange !!

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